Autobiographie et documentation - Pour continuer à inventer sur le site Mneseek, j'ai eu l'idée de cette page, où j'ai l'intention d'allier éléments autobiographiques (j'ai vécu un an à Barcelone, en 1998-1999) et documentaires (sur la ville, ses habitants...). (Julien Guerraz)
Premier souvenir : je suis à Barcelone, dans ma chambre, sur mon lit. J'ai fini par me coucher parce que je ne sais plus trop quoi faire. Envie de rien, le vide, l'ennui. J'ai acheté ce lit à au marché aux puces, il y a quelques jours. Il nous a fallu le ramener sur le toit d'un taxi. J'entends maintenant des bruits de travaux, je ne sais pas, des perceuses ou des marteaux piqueurs. Le quartier est en rénovation. Et j'ai l'impression que je n'ai rien à faire là, que cette ville n'est pas ma ville, que je me trouve à un endroit qui n'a rien à voir avec ma vie, avec là où je dois vivre, là où j'ai à vivre. Je suis un étranger ici et je m'imagine dans mon pays, dans ma ville, avec les mêmes bruits qui cette fois m'appartiennent. Barcelone ne peut être qu'une longue parenthèse. Je l'ai compris assez vite, la France me manque, comprendre les autres et être compris d'eux me manque. Cela tient à ce que je n'utilise ici la langue que de manière grossière et utilitaire, n'en connaissant aucunement les nuances, les profondeurs, les modes. Je ne suis qu'un fantôme qui cherche à se faire comprendre, où qui ne se fait au contraire que trop comprendre...
Je suis maintenant sur la plage, en bas de la Rambla. Je suis seul, comme souvent. Je contemple la mer, ou plutôt je me regarde regarder la mer. J'ai décidé de venir ici tout à l'heure, pour aller jusqu'au bout de mon chagrin, le vivre entièrement dans toute son intensité. J'en éprouve un plaisir esthétique assez dégoûtant, j'ai voulu vivre ce cliché, le déclencher. Moi, mélancolique, sur une dune, regardant la mer. Cela fait-il partie du travail de deuil ?
(Julien Guerraz)